Fabienne MOTTO EI
Psychologue à Meyzieu

Qu'est-ce qu'un groupe de parole en psychodynamique ?


L'approche psychodynamique est principalement influencée par la psychanalyse. Que signifie le terme psychodynamique ? "Psycho" vient du mot grec psychè (âme, esprit) et "dynamique" est issu du mot grec dynamis (pouvoir, force physique en mouvement). Ce terme s'inscrit dans la conception d'un système psychique vivant, en constante évolution. Il vient souligner le jeu de forces en présence dans le psychisme et leur incidence sur le comportement et l'existence du sujet. Je zoome dans le cadre de cet article sur les groupes de parole thérapeutiques qui se réfèrent à cette approche. Afin de mieux comprendre leur fonctionnement, je vais dans un premier temps faire un petit détour par l'histoire pour mieux en comprendre les soubassements et les effets thérapeutiques. Je conclurai sur ce qui les caractérise aujourd'hui.

La naissance des groupes thérapeutiques psychanalytiques

La psychanalyse s'est adaptée progressivement aux problématiques psychiques rencontrées par les personnes au travers des âges et selon le contexte historique. Le modèle initial thérapeutique princeps de la cure analytique individuelle (divan-fauteuil), mis en place par Freud, a ainsi évolué pour s'intéresser à de nouveaux sujets et à de nouvelles problématiques psychiques : les enfants, les névroses traumatiques, les états-limites, les psychoses, la famille, les groupes...

C'est au début des années 1940, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, que deux psychanalystes W. Bion et S.H. Foulkes ont cherché à soigner les soldats traumatisés (névroses traumatiques) de façon créative. La cure analytique n'était en effet pas adaptée dans ce contexte. Selon Privat, Quélin-Souligoux et Rouchy (Psychothérapie psychanalytique de groupe, 2001), ils vont chacun de façon théoriquement différente mettre en place au sein de l'hôpital militaire les bases d'une approche psychanalytique des groupes thérapeutiques.

W.R. Bion, met en avant l'importance du lien intersubjectif pour venir mobiliser l'intrapsychique de chacun. Pour ces auteurs, Bion insiste : "... sur l’importance de la mobilisation en groupe d’états émotionnels collectifs qui renvoient à des parties indifférenciées du psychisme, en d’autres termes, aux formations archaïques de l’inconscient. L’individu est situé dans un réseau d’interactions où les autres personnes lui sont nécessaires comme support de ses émotions internes".

S.H. Foulkes quant à lui, influencé par les principes de la psychologie de la forme (gestalthéorie), considère le groupe comme une matrice psychique "et l’amène à préconiser un niveau d’écoute, de compréhension et d’interprétation dans l’ici et maintenant, en prenant en considération le seul transfert du groupe et non les transferts individuels."

Au début des années 1960, J.B Pontalis et D. Anzieu formalisent l'importance des investissements pulsionnels et des représentations dont le groupe est l’objet. En 1965, D. Anzieu va plus loin en faisant l'analogie entre la situation de groupe et le rêve. Ainsi le groupe serait comme le rêve le moyen de réalisation de désirs infantiles inconscients.

Enfin, en 1976, R. Kaës propose un nouveau concept, celui d’«appareil psychique groupal». Il ne serait pas l'addition des appareils psychiques de chacun des membres d'un groupe mais il s'agirait d’une construction psychique commune des membres de ce groupe, appareil de liaison et de transformation des formations psychiques qui y sont engagées par ses membres. Selon Kaës (En quoi consiste le travail psychanalytique en situation de groupe ?, 2006), ce modèle : "... vise à comprendre les processus d’investissement, de production et de traitement de la réalité psychique dans le groupe et chez les sujets membres du groupe.".

Les caractéristiques d'un groupe psychanalytique

Le cadre d'un groupe dit psychanalytique repose sur les concepts et méthodes de la psychanalyse que je ne vais pas développer ici. Je cite juste Kaës : " Par méthode psychanalytique, nous entendons un ensemble de procédures de connaissance des objets psychanalytiques et de traitement des troubles psychiques. La méthode princeps de la psychanalyse est congruente avec son objet théorique : dans la situation de la cure, sur la base du dispositif technique qui la spécifie, la méthode de la libre association et de l’interprétation dans le transfert assure la voie d’accès à la connaissance de l’inconscient, et les conditions requises pour que le sujet devienne Je parmi d’autres." (En quoi consiste le travail psychanalytique en situation de groupe ?, 2006). Le groupe psychanalytique est à la fois un groupe thérapeutique et un espace d'exploration des processus inconscients individuels et groupaux via les relations intersubjectives.

Dans cette perspective, le groupe a une entité psychique à part entière. Le transfert prend dans ce cadre une dimension particulière, il est multilatéral et diffracté (sur l'animateur, des membres du groupe ou sur le groupe perçu de façon générique). R. Kaës (2006) met en évidence en situation groupale l'existence de trois espaces psychiques différents : celui du groupe, celui des liens inter-subjectifs entre les membres du groupe et celui du sujet singulier. Le groupe présente une fonction contenante mise en relief par D. Anzieu et par W. Bion et peut faciliter ainsi l'élaboration des angoisses. Il est le lieu potentiel de mise en scène de conflits internes inconscients.

Selon Privat, Quélin-Souligoux et Rouchy (Psychothérapie psychanalytique de groupe, 2001), ces groupes sont le plus souvent d'une durée indéterminée. Ils peuvent être soit semi-ouverts soit fermés. Ils sont conduits par un seul thérapeute ou en cothérapie. Mixtes, composés de 6 à 8 personnes, ils ont lieu une à deux fois par semaine sur une heure et demie.

Voici les règles fondamentales de fonctionnement qui sont énoncées au groupe :

- la règle de l'association libre invitant les participants à exprimer sans censure leurs sensations, émotions, pensées. Le travail se fonde surtout sur l'échange verbal mais il peut aussi intégrer des outils de médiation facilitant le travail de symbolisation ainsi que des temps de jeux psychodramatiques ou de relaxation analytique,

- ce qui se vit et se dit au sein du groupe ne doit pas être divulgué en-dehors (la règle de discrétion) sous peine d'obérer la liberté de parole au sein du groupe,

- l'abstinence ou la limitation des relations entre les participants au temps des séances groupales afin de préserver l'espace propre au groupe. Selon les auteurs : " Cette règle détermine le dedans et le dehors. Sa non-observation peut transformer les relations des personnes et instaurer une censure dans les échanges sur les relations privilégiées qui pourraient se nouer entre les participants ;".

- la règle de restitution lorsque les relations entre les patients ou même avec le thérapeute peuvent avoir lieu en-dehors des temps de groupe comme dans les institutions de soins par exemple,

- enfin les auteurs insistent sur la régularité des séances.

Enfin, l'animateur (analyste du groupe) n'est pas dans une posture directive mais il cherche à contenir, réguler, soutenir le travail d'élaboration, interpréter et à maintenir le cadre.

Ses indications ? Ses effets thérapeutiques ?

Selon Privat, Quélin-Souligoux et Rouchy (Psychothérapie psychanalytique de groupe, 2001) : "De façon générale, quand la méthode de l’association libre ainsi que la capacité à faire des liens avec sa propre histoire se révèlent pour un individu laborieuses ou inenvisageables dans un premier temps, quand par ailleurs existent des carences et ou des traumas réels, l’expérience montre que l’élaboration de toutes ces problématiques est rendue possible en psychothérapie psychanalytique de groupe.". Ceci est bien sûr à regarder et à nuancer à la lumière des pratiques et des contraintes institutionnelles propres à chaque contexte.

Pour ces auteurs, l'approche psychanalytique groupale semble particulièrement adaptée à des sujets présentant des pathologies dites limites (ou narcissiques identitaires) dans lesquelles les enveloppes psychiques n'ont pas pu se mettre suffisamment en place et permettre l'établissement de fondations narcissiques solides. Ils précisent que cette approche peut être proposée plus largement à chaque fois que la relation thérapeutique individuelle se trouve en échec du transfert : "chaque fois que la prise en compte de la souffrance d’un patient impose que soit en premier lieu établies les conditions d’un contenant psychique. Le groupe en proposant une véritable enveloppe capable de recevoir et contenir les fantasmes et les objets d’identification permet de restaurer la fonction symbolisante et de ce fait l’efficacité de la fonction pensante.".

Ceci me permet de faire un lien avec ses principaux effets thérapeutiques :

Ce dispositif oeuvre à la constitution d'une enveloppe psychique commune, suffisamment contenante, facilitant à la fois l'accueil de ce qui est difficile, angoissant, et la mise en place d'un travail de symbolisation (mise en images, en mots) des vécus conflictuels ou traumatiques.

Il favorise l'expression de conflits internes psychiques inconscients au sein d'un groupe se prêtant par les liens inter-subjectifs à réactiver des expériences de son histoire souvent infantile. Ces mises en scène peuvent donner lieu à un travail d'élaboration.

Le transfert sur le thérapeute ou sur des membres du groupe de personnes de son histoire personnelle (mère, père, frère, soeur...) peut aussi donner lieu à des prises de conscience sur sa façon de fonctionner dans la relation à l'autre.

Le sentiment d’appartenance construit progressivement peut être très soutenant.

Le groupe peut aider aussi à se penser comme différent au sein du collectif tout en gardant un sentiment d'appartenance, contribuant ainsi à un travail de différenciation, d'individuation.

Le groupe donne lieu aussi à des effets miroir : l'autre peut me renvoyer des aspects de moi que je découvre ce qui consolide le sentiment d'identité. Des processus identificatoires peuvent de même offrir de nouvelles possibilités de structuration du sujet.

Enfin, le groupe est également un lieu d'expérimentation de la relation à l'autre, source d'apprentissages.

Ainsi le groupe psychanalytique peut soigner, relancer les processus de symbolisation tout en contribuant à ce que chacun tisse du lien autrement. Il est potentiellement un lieu de transformation subjective profonde.

Alors, qu'est-ce qu'un groupe de parole en psychodynamique ?

Le groupe de parole en psychodynamique repose sur une conception plus souple des concepts psychanalytiques.  L'objectif est de créer un climat facilitant afin que les membres du groupe puissent exprimer leurs éprouvés (verbalisation de leur expérience subjective) et déployer tout un travail de mise en images, en mots (élaboration). Il ne s'agit pas d'interpréter systématiquement l'inconscient comme dans un groupe psychanalytique.

L'animateur est dans une posture contenante, bienveillante, de non jugement et non-directive. Il soutient les processus psychiques, facilite l'élaboration. Il effectue des relances verbales et est peu interprétatif.

Les fonctions de ce groupe thérapeutique sont de contenir l'angoisse, d'aider à mettre en sens des éprouvés parfois trop difficiles, de mobiliser les ressources psychiques, de créer du lien entre les membres et de permettre un travail d'élaboration collective.


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