Fabienne MOTTO EI
Psychologue à Meyzieu
Fabienne MOTTO EI
Psychologue à Meyzieu

L'utilisation des marionnettes en thérapie


Les marionnettes ont souvent un pouvoir d'attraction fort sur nous, petits et grands. Elles ont le don de pouvoir nous mettre dans un état particulier (étrangeté, rêverie, excitation...). Adultes, elles nous invitent au jeu malgré nous et viennent chercher notre enfant intérieur. Elles constituent un objet de médiation thérapeutique particulièrement intéressant surtout utilisé pour les enfants. Après avoir situé rapidement l'origine des marionnettes, cet article vise à retracer l'histoire de leur utilisation en thérapie puis à identifier en quoi elles peuvent offrir un grand potentiel thérapeutique.

Définition et origine des marionnettes ?

Selon le dictionnaire Le Robert, dans sons sens premier la marionnette est une figurine qui représente un être humain ou un animal, actionnée à la main par une personne cachée. Elle est articulée ou non, en bois, en carton  ou dans un autre matériau (os, papier, cuir, terre cuite...). Selon Wikipédia, elle est manipulée par une ou plusieurs personnes qui sont habituellement dissimulées dans un castelet. Les marionnettes sont mises en mouvement selon des mécanismes variés. Elles peuvent être à fils (comme Pinocchio), à tige (comme dans les théâtres d'ombres de Chine) ou encore à gaine (comme Guignol).

On trouve des traces de marionnettes dès l'antiquité. Les chercheurs ne sont pas tous en accord sur l'origine des marionnettes. R. Prishel (1793-1862), pense que ce type de théâtre provient uniquement d'Inde. Les Tsiganes auraient joué un rôle majeur pour diffuser cet art à travers le monde. D'autres comme Reich (1868-1934) et Laufer (1874-1934)) estiment quant à eux que l'Asie tire sa tradition dans ce domaine de la culture grecque. Pour C. Magnin (1793-1862), premier historien du théâtre de marionnettes, elles proviennent d'anciennes idoles et seraient apparues lors de cérémonies et coutumes d'ordre religieux. Les recherches ethnographiques du XXème siècle confirment cette théorie. Selon un article du "World Encyclopedia of Puppetry Arts" (2009), "Les chercheurs ont en effet bien montré que les marionnettes ont existé dans les rituels religieux, ceux des communautés "primitives" pour la plupart." On en retrouve des vestiges en Afrique noire, dans les îles de Polynésie, dans certaines parties de l'Asie, en Amérique du Nord ou encore au Mexique.

La marionnette semble donc issue dans chaque culture d'un environnement religieux, ritualiste ou chamanique spécifique. S'il est difficile de dire à quel moment dans chaque culture on passe d'un rite sacré à un spectacle profane dans l'utilisation de ces figurines particulières, il semble clair que le théâtre de marionnettes tout comme le théâtre d'acteurs découleraient de cérémonies religieuses et de rituels.

Histoire de la marionnette thérapeutique

Dès les années 1930, des articles font état de dispositifs thérapeutiques faisant intervenir les marionnettes.

Il s'agit tout d'abord des travaux de Woltman (marionnettiste) et Bender (pédopsychiatre) à l'hôpital Bellevue de New York auprès d'enfants présentant de graves problèmes de comportement. M. Rambert (psychanalyste Suisse) quant à elle, se trouvant en difficulté avec des enfants parlant peu, a construit un dispositif thérapeutique s'étayant sur le jeu de Guignol (travail individuel en complément du dessin et de la pâte à modeler). Elle a travaillé avec des enfants qui présentaient des symptômes névrotiques.

En France, C. Duflot a beaucoup travaillé avec la marionnette (Des Marionnettes pour le dire, 1992). Elle considérait que l'ensemble du dispositif du jeu de marionnettes proposé permettait à l'enfant de créer pour lui-même ce que Winnicott appelait un espace potentiel (à savoir une aire intermédiaire de jeu, ni au-dehors, ni au-dedans de l'enfant). Ce dispositif offre la possibilité de créer des histoires fictives individuellement et collectivement. Le castelet y joue un rôle important en délimitant l'espace de jeu, de l'imaginaire et en introduisant une frontière entre l'espace de représentation et celui de la réalité. L'enfant projette sur une marionnette toute faite quelque chose de son monde interne. Dans le cas où il fabrique sa propre marionnette, il travaille davantage l'identification. Son dispositif s'adresse à des enfants psychotiques.

Toujours en France, P. Le Maléfan (1995), a surtout utilisé les marionnettes comme objet de médiation thérapeutique avec des enfants présentant des troubles psychotiques. Il utilise la marionnette "...comme support métonymique à un site créatif, tenant-lieu de fabrique du corps selon l'expression de Jean Oury, et à une relance de la parole...". Pour celles et ceux qui souhaiteraient mieux comprendre ses travaux, je les renvoie à son article que je trouve très intéressant et explicite de 2002 (Marionnette thérapeutique et psychose infantile).

A. Moors a travaillé avec des enfants présentant des inhibitions, des troubles du langage, ou encore de l'immaturité psychique, au sein d'un groupe de thérapie psychanalytique par les marionnettes, dispositif qui présente des similitudes avec le psychodrame "Dans ce groupe psychanalytique, les enfants prêtent une âme aux marionnettes et les animent donc de l'intérieur, tout comme le patient-acteur le fait pour son personnage au psychodrame." (A. Juteau, B. Golse et A.-M. Clouet, 2015). Il promeut le "faire semblant" qui facilite l'expression de l'agressivité et permet à l'enfant de rester à une distance protectrice du réel.

Les dimensions thérapeutiques des marionnettes

La marionnette peut avoir des usages très différents : être au service de rituels divinatoires, incarner au théâtre tous les rôles possibles, servir à l'école comme outil pédagogique...

L'objet marionnette est particulier dans la mesure où il représente l'image d'un être vivant, humain ou animal. Il a également vocation au mouvement, à l'animation dans l'espace, sous l'impulsion de celle ou celui qui va l'habiter. Il est porteur de mots et peut s'inscrire dans une mise en scène avec d'autres. Pour toutes ces raisons, cet objet spécifique offre un grand potentiel d'expression par l'image, l'action et le langage.

Dans le cadre thérapeutique, il constitue un véritable objet de médiation dans la mesure où il peut permettre un travail de symbolisation (par la représentation externe de son monde psychique interne), un travail d'élaboration psychique et de subjectivation (le fait de devenir Sujet). La marionnette est un lieu d'identification, de projection, objet théâtral susceptible de favoriser l'émergence d'une représentation et d'une parole. Il va être possible à son insu de mettre en scène les relations intrafamiliales, les relations avec le petit frère qui prend trop de place, avec l'autorité parentale...

Le fait d'être caché derrière un personnage qui est en première ligne affaiblit la censure et l'inhibition de certains enfants. Ce n'est pas l'enfant qui parle mais la marionnette. C'est pourquoi, afin de conserver le pouvoir illusionnant de la marionnette, il est nécessaire pour le thérapeute de bien différencier le discours de l'enfant de celui de sa marionnette.

Avec les problématiques névrotiques des enfants, la marionnette engage le jeu, la mise en scène de leurs conflits psychiques internes. Elle les amène à élaborer leurs conflits et à mettre des mots sur leurs émotions.  Au-delà de l'expression d'affects refoulés vécus comme interdits ou négatifs, l'enfant peut également devenir plus acteur, trouver une relative maîtrise de la situation au lieu de la subir en silence.

Avec les problématiques psychotiques des enfants, selon Le Maléfan (2002), la marionnette peut remplir pour eux la fonction de "tenant-lieu" (ce qui se met à la place de). Pour ces enfants, la marionnette fabriquée présente cet aspect particulier d'être soi tout en venant introduire un écart, un espace d'interaction avec son auteur. Sur la base de cet espace vécu, une dialectique entre la marionnette et l'Autre peut se vivre, c'est l'introduction de l'altérité. La marionnette permet à l'enfant de jouer avec son identité sans crainte de la perdre.

Il est capital que le thérapeute délimite une aire de jeu partagée, entre lui et l'enfant, concrètement matérialisée (castelet, indices sonores et spatiaux...). C'est nécessaire pour créer un cadre sécurisant, et pour que l'enfant puisse s'approprier cet espace. Cela conditionne également le repérage d'un espace scénique pour l'imaginaire où tout est possible et sa séparation nécessaire d'avec l'espace de la réalité quotidienne.

Enfin, la marionnette est un médiateur très engageant ! Le danger est que le thérapeute projette ses propres représentations et conflits sur le jeu de l'enfant et qu'il vienne ainsi polluer le travail de symbolisation de l'enfant. La vigilance est donc de mise et le travail en supervision précieux.


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