La méditation est en vogue depuis plusieurs décennies dans les pays développés où l'accélération des rythmes de vie peut générer le besoin d'intériorité et de calme. Dans nos représentations, elle peut être associée à de la religion, de la spiritualité, de la psychothérapie, de la psychiatrie, de la relaxation... bref elle est entourée d'un halo de significations qui en rendent flou les contours. C'est l'origine de cet article, tenter de clarifier en quoi elle consiste et les liens qu'elle semble tisser de façon transversale avec un ensemble de disciplines, sans doute, au gré des évolutions sociétales. En fait, elle s'avère être un "outil" précieux qui peut être très efficace d'un point de vue psychothérapeutique ou développemental, appropriable par chacun, en amenant qui le souhaite à une transformation potentielle des rapports avec soi-même.
Vers une définition de la méditation
La méditation renvoie à une pratique, que l'on retrouve au sein de nombreuses approches spirituelles ou religieuses (bouddhisme, hindouisme, islam, christianisme...). Ses objectifs sont variés (atteindre la paix intérieure, des états de consciences modifiés, la relaxation ou encore des applications thérapeutiques) et c'est sans doute en cela qu'elle peut apparaître comme nébuleuse.
Nous allons ici focaliser sur la méditation en pleine conscience encore appelée mindfulness. Elle est une forme de méditation qui trouve son origine essentiellement dans le bouddhisme. C'est à partir des années 1970 que la communauté scientifique occidentale a commencé à s'intéresser aux pratiques méditatives en tant que possibilité de traitement. Selon Garnoussi (2011), il y a eu un glissement de la méditation "religieuse" à la méditation "scientifique".
Pour Bondolfi, Jermann et Zermatten (2011), la pleine conscience peut être définie comme le fait de porter volontairement et soigneusement son attention sur l'expérience vécue dans le moment présent, en acceptant ce qui vient (perceptions, sensations, émotions, pensées), sans jugement. Cette pratique suppose une attitude d'acceptation. Ceci a été validé par une groupe de chercheurs et de cliniciens (Bishop et al., 2004).
Selon Christopher K. Germer (2013, p. 74)"Etre pleinement conscient, c'est à la fois savoir où est notre esprit d'un instant à un autre et diriger notre attention avec habileté". Cela suppose de prendre l'engagement personnel d'être attentif à soi-même. Pour lui, le corps est le fondement de l'apprentissage de la pleine conscience. Se concentrer sur son corps (son souffle, sensations du corps...) permet de rester attentif à l'instant présent.
Les principales applications thérapeutiques
Jon Kabat-Zinn (Professeur émérite de médecine, Massachussetts) a laïcisé et adapté la méditation au monde occidental à la fin des années 70, en l'introduisant dans sa pratique clinique (gestion du stress). En 1979, il crée, au sein de la faculté de médecine de l'Université du Massachussetts, la Clinique de réduction du stress, où il imagine à partir des enseignements bouddhistes le programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction). Il y fonde également le centre pour la pleine conscience en médecine. Les approches basées sur la méditation de pleine conscience ont connu ensuite un développement considérable dans le domaine des psychothérapies.
Selon Bondofi, Jermann et Zermatten (2011), depuis une vingtaine d'années ces pratiques ont fortement gagné du terrain dans le champ de la psychologie clinique, de la psychiatrie et des neurosciences.
En effet, la pleine conscience s'avère tout d'abord efficace pour favoriser la régulation émotionnelle. Selon ces auteurs, "la pleine conscience favorise l'accès préréflexif, la reconnaissance, la dénomination et l'acceptation des émotions" mais aussi la décentration en développant l'auto-observation (meilleure discrimination en soi d'une émotion ou d'une sensation corporelle). Via l'auto-observation, la pleine conscience permet aussi d'envisager les pensées non plus comme la réalité mais bien comme des interprétations. Développer cette capacité de pleine conscience a un impact sur le rapport que nous avons avec notre perception émotionnelle. Tous ces éléments permettent une régulation émotionnelle adaptative. De plus, la pleine conscience peut conduire à moins éviter certains aspects notamment négatifs de l'expérience. Ainsi, elle apparaît comme une habileté métacognitive en pouvant amener le sujet à repérer plus facilement la naissance des pensées négatives et à éviter de les laisser prendre de l'ampleur.
La MBSR mise en place par Jon Kabat-Zinn a connu des applications cliniques variées : prise en charge de douleurs chroniques, de troubles somatiques, troubles anxieux, troubles alimentaires, troubles du sommeil, acouphènes. S'il est avéré que la MBSR produit des effets bénéfiques sur les personnes suivies, des travaux sont encore nécessaires pour les confirmer.
Enfin, sur le plan psychothérapeutique, la méditation en pleine conscience est de plus en plus utilisée. Les thérapies cognitivo comportementales dites de la troisième vague se caractérisent par l’intégration de la pleine conscience à la psychothérapie. Concernant la MBCT (Thérapie Cognitive basée sur la pleine conscience), elle reprend les pratiques proposées dans la MBSR en y ajoutant des éléments de thérapie cognitive spécifique à la prévention de rechute dépressive. Elle obtient aussi des résultats positifs.
Pour résumer, la capacité de pleine conscience est entre autre associée à des effets positifs sur le stress, l'anxiété, la dépression, l'insomnie, la dépendance à une substance, la douleur et l'hypertension artérielle.
Méditation de pleine conscience et neurosciences
La recherche en neurosciences s'intéresse de plus en plus à la méditation et la pleine conscience. Les travaux réalisés attestent des modifications cérébrales liées à la pratique méditative. Globalement, ils montrent un accroissement des activités cérébrales dans les régions proposées à la régulation émotionnelle et au contrôle attentionnel. Il semblerait que la pratique à long terme de la méditation de pleine conscience favoriserait une régulation émotionnelle plus souple. Cependant, ces résultats sont à consolider.