Fabienne MOTTO EI
Psychologue à Meyzieu
Fabienne MOTTO EI
Psychologue à Meyzieu

Les effets de la lumière sur notre psyché


Tous les ans nous entendons parler de la baisse de moral qui survient à l'automne quand la quantité de lumière diminue. Les personnes se plaignent aussi de fatigue, d'un tonus moindre, de frilosité, d'envie de dormir, d'appétence pour le sucre... Cet article vient interroger la façon dont la lumière du soleil peut impacter notre santé et ses rapports avec notre psyché. Quels effets sur notre corps ? Sur nos capacités psychiques ? Comment cela fonctionne ? Quelles articulations avec notre santé mentale ? Quelles thérapies envisager ? Sur quels questionnements cela ouvre ?

Les effets physiologiques de la lumière

Inscrit dans l'univers, l'être humain est directement impacté par l'alternance jour-nuit, elle-même reliée au cycle de rotation de la Terre. Ce cycle suit un rythme circadien qui s'étale sur 24 heures. Plusieurs activités physiologiques de notre organisme suivent ce rythme circadien (la température du corps, la production hormonale, notre humeur, nos capacités intellectuelles...). Par exemple, la mélatonine encore appelée hormone du sommeil commence à augmenter le soir pour atteindre son pic dans la nuit pour ensuite baisser au long de la journée. Inversement notre humeur et nos capacités intellectuelles évoluent au fil de la journée pour arriver à leur minimum entre 3 h et 5 h du matin.

Alors comment comprendre l'incidence de la lumière sur la vie de notre corps ? L'oeil est l'entrée sensorielle qui permet de capter les variations de lumière sur 24 heures autrement dit le degré de luminosité. Des cellules ganglionnaires à mélanopsine (plus sensible à la lumière dite bleue) transmettent cette information aux noyaux suprachiasmatiques qui situés dans le cerveau constituent l'horloge centrale de notre organisme. Ils agissent ensuite sur la glande pinéale qui synchronise les différentes cellules de l’organisme par son action sur les protéines et les enzymes. Si vous souhaitez approfondir les mécanismes de transmission, je vous renvoie à la thèse très explicite de Lucie Gasbaoui. Ainsi, la lumière joue un rôle primordial dans la synchronisation de notre horloge biologique avec l'alternance jour-nuit.

La mélatonine produite par la glande pinéale prépare notre organisme au repos et au sommeil. Quand la luminosité baisse, la sécrétion de cette hormone augmente et amène notre corps à passer en mode "sommeil". Dans le cas général, le taux de mélatonine augmente de façon conséquente vers 21h (soit environ 1 à 2 h avant l’heure habituelle de l’endormissement) et son pic est atteint entre 2 et 4 h du matin.  La sécrétion diminue ensuite et la mélatonine disparaît durant la journée.  Il est à noter que la sécrétion de la mélatonine peut être perturbée par la lumière présente durant la soirée ou pendant la nuit.

Si la lumière rythme notre horloge interne en nous maintenant éveillés pendant la journée tandis que la baisse de luminosité nous prépare au sommeil, elle a également des effets sur notre santé. Elle stimule par exemple la génération de la vitamine D impliquée dans des processus de régulation de notre corps ainsi que le métabolisme. Elle régule l'équilibre hormonal, le système immunitaire, le métabolisme des cellules, la respiration et le pouls.

Selon Helen Burgess, professeur de psychiatrie et codirectrice du laboratoire de recherche sur le sommeil et le rythme circadien du Michigan Medicine, la lumière du soir supprime la mélatonine ce qui pourrait devenir un problème de santé avec le temps (incluant possiblement le cancer du sein, l'hypertension et le diabète de type 2).

La lumière du soleil joue donc un rôle crucial sur notre équilibre et notre maintien en bonne santé.

Les liens potentiels avec notre psyché ?

La lumière influe également sur notre humeur, nos capacités cognitives et notre vigilance subjective.

D'un point de vue psychiatrique, la saisonnalité renvoie aux changements saisonniers courants concernant le comportement, l’humeur, l’énergie, le sommeil, l’appétit, les préférences alimentaires, la sociabilité. Elle touche une grande majorité de personnes et n’est pas pathologique. C’est l’amplitude de ces modifications qui peut faire évoluer cette saisonnalité physiologique en véritable pathologie qu’est le Trouble Affectif Saisonnier (TAS) (S. Kasper, Wehr, et al. 1989). Selon L. Gasbaoui (2016), les formes symptomatiques atténuées de ce trouble, appelées "infra-TAS", touchent 15 % de la population en France (et 22 % dans les pays du  nord de l'Europe). L'infra-trouble affectif saisonnier a été décrit par le docteur Rosenthal (Norman E Rosenthal et al., 2006) encore appelé "blues hivernal". Il prend la forme de difficultés apparaissant surtout en hiver : baisse d'énergie, d'efficience au travail, diminution des activités, notamment sociales, changement des habitudes alimentaires (plus d'hydrates de carbone), prise de poids, augmentation du temps de sommeil. L'apparition de ces symptômes est saisonnière (au moins deux hivers consécutifs) et leur durée est inférieure ou égale à 4 semaines. Le TAS proprement dit concerne 2 % de la population en France (jusqu'à 10 % dans les pays plus au nord). Sa manifestation clinique majoritaire est la dépression hivernale encore appelée dépression saisonnière. Selon L. Gasbaoui (2016), les études n'établissent pas de lien catégorique entre saison et humeur mais l'hypothèse de l'implication de la mélatonine et des rythmes biologiques est intéressante.

Diverses études ont montré que la lumière impacte également nos fonctions cognitives en augmentant leurs performances. On a observé notamment (C. Cajochen, 2007) une diminution des temps de réaction à des stimuli auditifs et moins d'échecs attentionnels chez des sujets exposés à la lumière bleue (460 nm). Chellapa et al. (2011) ont démontré que la lumière bleue augmente les performances cognitives pour des tâches d'attention soutenue. Ainsi, des tâches simples de temps de réaction ou des séries d'additions-soustractions peuvent directement être améliorées après une exposition lumineuse nocturne. De même les travaux de G. Vandewalle (2014) révèlent l'impact de la lumière sur l'activité cérébrale sous-tendant l'intention, combinable avec des processus de mise à jour et de comparaison, la mémoire de travail ou le traitement de stimulations émotionnelles. Si les effets de la lumière sur des tâches de rapidité de traitement et d'attention ont été démontrés de façon assez sûre, selon M. Hamacher (2018), la littérature scientifique est plus mixte concernant l'effet de la lumière sur des tâches impliquant un contrôle cognitif supérieur.

Un communiqué de presse de l'Inserm (2014) informe que des chercheurs de l'Unité Cellules Souches et Cerveau du Cyclotron de l'Université de Liège (Belgique) ont montré que notre cerveau exécute d'autant mieux une tâche cognitive que la personne a été exposée à la lumière quelques heures auparavant. Il y a comme un effet retard de l'exposition à la lumière permis par une mémoire photique. Ces travaux mettent en avant l'importance de la lumière pour les fonctions cognitives cérébrales et attestent du rôle cognitif de la mélanopsine.

L'intérêt et les recherches concernant l'effet de la lumière bleue sont relativement récents. Ils constituent un enjeu important dans notre monde contemporain où les écrans en tout genre prennent une place considérable.

Les pratiques, traitements, thérapies envisageables

Le docteur Helen Burgess a travaillé sur la façon dont l'exposition à la lumière affecte notre santé. Les résultats de ses travaux ont été exposés lors d'une conférence réalisée le 30-06-2020. Elle précise que l'exposition accrue à la lumière peut avoir des effets positifs et négatifs sur notre santé selon l'heure de la journée. Elle préconise de chercher à rester synchroniser à la lumière naturelle. Pour elle, la lumière du matin joue un rôle primordial bénéfique (sur la dépression, la régulation de l'humeur et la santé en général) "Nous constatons que la thérapie à la lumière du matin est un antidépresseur efficace, aussi efficace qu'un antidépresseur pharmaceutique". Elle conseille fortement de profiter de la lumière naturelle pendant la journée et de réduire au maximum l'exposition à la lumière artificielle après le coucher du soleil (télévision, ordinateur, smartphone). Des études ont montré que la lumière du soir issue des appareils électroniques est corrélée à une qualité du sommeil inférieure et à une santé dégradée.

Au-delà des conseils précédents, la luminothérapie peut être utile dans certains cas de dérèglement du rythme circadien. Il existe également des traitements à base de mélatonine. Ceux-ci supposent la consultation chez un médecin. Il est important de rappeler que les activités extérieures en lumière naturelle, même en hiver, restent le meilleur des remèdes (Miller, 2005). La luminothérapie est déconseillée chez les patients suivant des traitements photo sensibilisants ou souffrant de pathologies rétiniennes sévères.

Dans le traitement d'un TAS avéré,  la luminothérapie semble être une bonne alternative aux antidépresseurs (amélioration plus rapide et effets indésirables moindres). Elle peut s’utiliser de manière préventive.

Qu'en dit le sujet ? Quel est son ressenti ?

Ces informations sont bien sûr à articuler avec le discours et le vécu de chaque sujet. En dehors de son mode d'exposition à la lumière, que se passe-t-il pour chacun dans sa vie par exemple au moment où son sommeil est perturbé ? Comment vit-il cette situation ? Son ressenti peut-il avoir des liens avec des événements saisonniers du passé ? Autrement dit comment l'état subjectif vient-il se combiner avec la composante de la luminosité saisonnière ?


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